Je vous conseille vivement d’écouter l’EP avant de lire l’analyse. Ode à la tristesse est écrit par un rédacteur freelance, Andonoski Boris.

“Un chef d’œuvre est une bataille gagnée contre la mort” dixit Jean Cocteau.

I – Identité de l’EP

I No Longer Fear the Razor Guarding My Heel, tel est le titre de cet EPique sombre des « Garçons Suicidaires » ($UICIDEBOY$) sorti le 1er août 2015. Plus que sous-estimé, ce chef d’œuvre, ce long poème mélancolique, ce trésor au côté sombre et dépressif enfoui de la musique underground et dissimulé au regard du commun des mortels, mérite définitivement plus de lumière et de reconnaissance.

Ce medley est composé de trois chansons avec des noms à la longueur caractéristique de la culture underground, My Flaws Burn Through My Skin Like Demonic Flames, My Scars Are Like Evidence Being Mailed to the Judge et I Will Celebrate for Stepping on Broken Glass and Slipping on Stomach Soaked Floors.

Le titre lui, en accord avec l’image présentée est une peinture qui fait référence au soldat mythique Achille et particulièrement au talon d’Achille. D’après la légende, lors de la guerre de Troie, Pâris tua Achille en lui décochant une flèche dans la cheville, son unique point faible et sa seule partie vulnérable. En effet, selon la mythologie grecque, la mère d’Achille, Thétis, plongea son fils dans le Styx (un des fleuves de l’Enfer qui séparait le monde terrestre de celui ci) en le tenant par le talon. En fait, la légende veut que toute partie qu’on y plongeait devenait invulnérable. Étant donné que le pied était la seule partie n’ayant pas été submergée par le Styx, celle-ci n’était donc pas immunisée. Voilà pour la partie histoire. En ce qui concerne l’image, celle-ci est une œuvre mythologique de Pierre Paul Rubens créée en 1630 (Baroque) et titrée La Mort d’Achille. En effet, cette peinture dépeint la mort imminente du héros (présence d’anges pour accueillir Achille dans l’au-delà) et le désespoir ce qui colle parfaitement aux thèmes de la musique.

II – Place à la musique

1 – Première Partie

Parlons musique à présent. La première chanson, My Flaws Burn Through My Skin Like Demonic Flames, parle de la mort, de l’horreur et du dégoût de la vie. Les « boys » expriment leurs émotions et leur vision de la vie sur un son instrumental triste, céleste, qui résonne et qui annonce la fin de la vie. Le sample emprunté à la chanson Die Nigga Die de Tommy Wright III amplifie ce mauvais augure et cette ambiance de désespoir dans l’intro. De plus, l’évocation des « Four Horsemen » (Cavaliers de l’Apocalypse) par Ruby, causée soit, par ses hallucinations provoquées par les effets de la drogue soit, par son extinction progressive, confirme l’annonce d’une fin, à savoir l’arrivée de la mort étant donné que ces figures célestes et mystérieuses issues du Nouveau Testament représentent le commencement de la fin du monde. Cependant, Ruby da Cherry affirme que son temps n’est pas encore venu et qu’il tente d’esquiver les cavaliers. Par conséquent, la drogue lui permet de le tenir à distance de la mort en esquivant les problèmes. En effet, le vers « I’m ducking out (j’esquive) I’m tryna see the road » souligne la tentative de rester sur la route (de la vie et de l’existence allégoriquement) en passant à côté des obstacles qui se présentent. Yung Mutt (Ruby), conclut son couplet avec une idée nihiliste considérant que sa mort (et la mort de quiconque en général) passera inaperçue aux yeux de l’univers car le monde ne s’arrêtera pas. Effectivement, c’est une mort parmi tant d’autres et pour l’univers cela constitue un événement mineur qui ne changera en rien son cours. Ainsi, cette vision pessimiste illustre l’insignifiance et la surestimation de la vie. Après le questionnement sur l’existence de Ruby, son acolyte Scrim, d’une voix tourmentée et d’outre tombe qui fait écho dans les abysses, entame son catharsis en prononçant « I » d’une façon à donner des frissons. Il renchérit sur le thème de la mort en déclarant qu’il voit apparaître « La Faucheuse » présageant que le sommeil éternel approche via une assonance glaçante « I see the reaper creepin’ (je vois la faucheuse s’approcher discrètement) as my blood is seeping (couler), sleeping deeper ». En outre, Yung Christ (Scrim) s’adonne à une courte introspection avant de rendre son dernier souffle dans ce passage touchant « My weakness seems to be that I cannot stop breathing » qui laisse transparaître un certain dégoût de soi où « My » renvoie l’écho d’une douleur décrite précédemment. Ainsi, le désespoir dans cette dernière strophe est palpable, avec un champ lexical omniprésent faisant référence à la mort et tout ce qu’elle accompagne (« reaper », « blood seeping », « night », « stop breathing », « death », « soul » et « this pain, this torture of horror »), et la fin est inéluctable.

2 – Deuxième partie

La deuxième chanson nommée My Scars Are Like Evidence Being Mailed to the Judge contient un beat moins sombre, plus doux et calme. Elle débute avec un sample du groupe légendaire Triple 6 Mafia continuant ainsi de rendre hommage à la scène de rap underground de Memphis dont les Suicideboys se sont tant inspirés. Ce morceau entretient l’ambiance sombre de la mort. En effet, on retrouve un champ lexical associé à la fin de la vie avec des termes comme « eternal rest » et « demise – mort ». De plus, on découvre une touche misanthropique et plus particulièrement portée vers la police avec le passage « I’m on the block, circling cops, ready for their demise ». Puis, à la fin du couplet, Scrimmy s’exprime sur sa souffrance en mentionnant les drogues dont il fait usage pour soulager sa peine. Dans le couplet suivant de son cousin Oddy Nuff (Ruby), les drogues sont encore de la partie. Ces deux couplets préparent l’auditeur au prochain morceau surréel qui ne peut rendre insensible toute âme qui se prête à l’écouter.

3 – Troisième et dernière partie

La chanson finale de cet EPatant, I Will Celebrate for Stepping on Broken Glass and Slipping on Stomach Soaked Floors offre une fin en apothéose sur un beat glacial, psychédélique, onirique, surnaturel et cosmique. Le morceau est graduellement ouvert une nouvelle fois avec un sample issu du Dirty South (rap underground du sud des États-Unis) délivrée par Gangstaa Boo. L’ambiance de ce titre affirme et confirme une fois pour toute la désolation et le désespoir définitifs et éternels. Les $B se livrent sur leur malheur et leur souffrance en portant une attention particulière aux drogues qui au final n’arrangent pas leurs problèmes mentaux. Bien que Switchblade Scrim soit conscient que la consommation de drogue agit en tant que palliatif et que par conséquent soulage les maux que temporairement et envenime cet état en entraînant d’autres problèmes, il demeure un addict et déclare ne pas pouvoir se sortir de ce cercle vicieux : « can’t quit, I’m an addict, /So traumatic, and I’m manic/Feeling panicked ». En fin de son couplet, il admet l’impossibilité de venir à bout de cette situation tragique et s’abandonne ainsi au désespoir : « I’m druggin’ till I R.I.P. ». Ensuite, c’est au tour de Snow Leopard (Ruby) de se confier sur ce qu’il le tracasse. Il parle tout d’abord des drogues qu’il prend en décrivant les effets hallucinatoires que cela provoque : « Everything is bending (tout est en train de se courber) in the same motion ». Le revers de la médaille de cette consommation révèle son affliction et ses tourments dans cet extrait « It feels like my heart is broke because I get fucked up when I feel alone » où l’on découvre par-là que la solitude unit les deux artistes étant donné que Scrim aussi mentionne précédemment cet état d’âme : « Lonely, looking ghostly ». Enfin, The Lord of Loneliness (Ruby) termine son couplet en faisant part de ses tendances suicidaires avec les fragments « I’m hoping that I don’t breathe » et « Shoot me up i can OD » (dernier vers). Ainsi, cet EP se termine parfaitement en faisant allusion au suicide après avoir longuement abordé la mort.

Ruby et Scrim.

III – Conclusion

Pour conclure, cet EPoustouflant ferait chavirer même les cœurs de pierre. Son aspect poétique, profond et poignant, son lyrisme, sa musique prodigieuse de fond (façon de parler) d’une tristesse inouïe qui fend le cœur, fait qu’il peut être élevé au rang de chef d’œuvre. Cependant, ce chef d’œuvre musical est selon moi à écouter en étant seul de par son caractère intime et intimiste. En dépit de ce cadre triste, nous pouvons nous sentir moins seuls au fur et à mesure de l’écoute. Pour prolonge le sujet, il est possible de mentionner une autre chanson magistrale et légendaire des $uicideBoy$ et tout aussi puissante émotionnellement qui n’est autre que la très connue Kill Yourself Part III.

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